La tradition orale du Pays de Galles
Le pays de Galles est l'héritier indirect de la tradition orale de ce qu'il convient d'appeler "les Bretons du Nord" ou tout simplement "les Hommes du Nord" (Gwŷr y Gogledd), c'est-à-dire les descendants des royaumes britonniques autrefois situés au nord du Mur d'Hadrien, alliés de Rome, et ultimes défenseurs de la Romanitas dans l'île de Bretagne, après l'abandon de cette province vers la fin de l'Empire Romain. Ces puissants royaumes du Nord, dont il est possible que le légendaire Arthur ait été un souverain, ont vaincu les envahisseurs irlandais qui menaçaient de petits royaumes britonniques de l'ouest de l'île, et ont constitué de nouvelles principautésL De leur union naîtra un royaume, qui sera incorporé de force au royaume d'Angleterre au terme des terribles "guerres
galloises" menées par Edouard Ier.
Entre la reconquêtre britonnique et l'annexion anglaise, le pays de Galles aura connu une sorte de nouvel âge d'or de la tradition celtique, celle qui donna naissance à la fameuse "matière de Bretagne" - et une véritable mutation et Renaissance bardique. Car jusqu'à l'époque élizabéthaine, les bardes gallois seront un rouage essentiel de la société galloise : poètes officiels aux droits aussi étendus que rigoureusement codifiés : ils avaient ainsi notamment le droit de porter l'épée, et de faire usage de la harpe (telenn) ou du crwth (une lyre à corde frottées) pour accompagner leurs dits.
Les plus anciens textes littéraires rédigés dans un vernaculaire d'Europe à nous être parvenus, ont été rédigés en vieux breton : il s'agit pour l'essentiel d'élégies ou de poèmes bardiques du 6ème siècle de notre ère.
Mais pour le conteur, le véritable chef d'oeuvre de la littérature galloise médiévale, ce sont naturellement les fameux Mabinogion, auxquels la tradition associe également le récit de la naissance de Taliesin : c'est le Hanes Taliesin, le "Conte de Taliesin". Pour la petite histoire, le manuscrit de référence des Manbinogion a été composé au XVIème siècle par un soldat gallois de la garnison de Calais, un certain Elis Gruffydd.
Ce récit hautement mythologique, ainsi que plusieurs autres récits "bardiques" tout aussi flamboyants, sont au coeur de la partie galloise de mon répertoire.
Mais la tradition orale galloise, comme les autres traditions orales des pays celtes, a connu de nouvelles belles heures au 19ème siècle. Les collecteurs et les auteurs ont popularisé maintes figures tout droit sorties de la lointaine mythologie celtique - tels les fameux "canwyll corph", les "chandelles-cadavres", ces processions fantômatiques lumineuses... Ou encore les terrifiants "cwn annwnf", les chiens de l'au-delà (ceux-là mêmes qui ont inspiré à Conan Doyle son "Chien des Baskerville" !). Ou bien sûr l'épouvantable "ceffyl heb un pen", le "cheval sans tête", créature maléfique souvent considérée comme l'incarnation du diable, et qui renvoie au motif du cheval de l'Au-Delà. Le cheval est l'animal psychopompe ("qui mène les morts") par excellence dans la tradition celtique ; maints récits en attestent, aussi bien dans la tradition galloise, qu'irlandaise (cf. le "death-coach" irlandais), écossaise (cf. les "kelpies"), ou bretonne (cf. le "cheval malet ('maudit')", et la charrette de l'Ankou, tirée par une mauvaise haridelle décharnée).